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L'alternative à la greffe cardiaque : "Quatre ans d’assistance circulatoire avec la pompe axiale INCOR Berlin Heart"

Archives des maladies du coeur et des vaisseaux - Vol 100, N° 11 - novembre 2007 - pp. 967-970 - Doi : AMCV-11-2007-100-11-0003-9683-101019-200603603 - 09 août 2008

Quatre ans d’assistance circulatoire avec la pompe axiale INCOR Berlin Heart

M. Kirsch [1], E. Vermes [1], B. Boval [2], L. Drouet [2], D. Loisance [1]
[1] Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
[2] Service d’hématologie biologique, hôpital Lariboisière, Paris.
[3] Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire Hôpital Henri-Mondor 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny 94000 Créteil cedex

Résumé

"L’implantation d’une assistance ventriculaire gauche à visée définitive est désormais une option thérapeutique pour certains patients en insuffisance cardiaque réfractaire non candidats à la transplantation. Nous rapportons ici l’observation d’un patient assisté depuis plus de quatre ans avec la pompe axiale INCOR de Berlin Heart. Cette observation montre la faisabilité d’une assistance au long cours avec une pompe à débit continu et d’une stratégie anti-thrombotique innovante reposant sur l’association d’héparine de bas poids moléculaire et d’anti-aggrégants plaquettaires."

Abstract

Four years of circulatory support with the INCOR axial pump from Berlin Heart

"Implantation of definitive left ventricular support is now a therapeutic option for certain patients in refractory heart failure who are not candidates for transplantation. Here we report the case of a patient assisted for more than 4 years with an INCOR axial pump from Berlin Heart. This case shows the feasibility of long term assistance with a continuous flow pump, and an innovative anti-thrombotic strategy relying on the combination of low molecular weight heparin with platelet anti-aggregants."

Mots clés : Insuffisance cardiaque , assistance circulatoire , pompes axiales , traitement anti-thrombotique

INTRODUCTION

"En 2001, l’étude randomisée REMATCH a montré dans un groupe de patients en insuffisance cardiaque réfractaire non candidats à la transplantation cardiaque que l’implantation définitive d’une assistance ventriculaire gauche permet d’améliorer significativement la survie comparativement à un traitement médical optimisé [1].

Depuis, de nombreux nouveaux systèmes d’assistance circulatoire ont été développés [2]. La plupart de ces nouveaux systèmes sont activés par des turbopompes, axiales ou centrifuges, dont la taille plus réduite permet d’espérer une meilleure biocompatibilité à long terme. Nous rapportons ici l’observation d’un patient assisté depuis plus de quatre ans avec la pompe axiale INCOR de Berlin Heart."

OBSERVATION

"M. O. était un homme de 59 ans, porteur d’une cardiomyopathie ischémique non revascularisable et ayant évoluée vers une insuffisance ventriculaire gauche isolée (fraction d’éjection et diamètre télédiastolique du ventricule gauche respectivement à 22 % et 60 mm). Ce patient avait été inscrit en liste de transplantation cardiaque en mai 2003. Toutefois, en raison d’épisodes récurrents de décompensation cardiaque gauche et d’un morphotype laissant présager une attente sur liste longue (183 cm, 78 kg), une assistance circulatoire mécanique en alternative à la transplantation lui a été proposée.

Le système INCOR de Berlin Heart [3] est composé d’une pompe axiale électro-mécanique implantée dans le péricarde entre l’apex du ventricule gauche et l’aorte ascendante (fig. 1). La pompe est constituée d’un boîtier en titane contenant une turbine suspendue dans un champ magnétique. Les dimensions externes du boîtier sont de 114 mm x 30 mm, sa masse de 200 grammes et son volume de 60 cm [3]. Les canules d’admissions et d’éjection sont composées de silicone. La pompe est reliée à une unité de commande para-corporelle par l’intermédiaire d’un câble percutané. L’unité de commande est alimentée en électricité soit par un transformateur, soit par deux accumulateurs rechargeables d’une autonomie de trois à quatre heures chacun. Une connexion à un ordinateur portable permet de démarrer, de surveiller et de régler les paramètres de la pompe. La pompe est conçue pour assurer un débit de 5 l. min-1 à une vitesse de rotation de 8500 tours. min-1 contre une post-charge de 100 mmHg et avec une puissance de 8.5 Watts. La vitesse de rotation est ajustable entre 5 000 et 10 000 tour/min-1.

Le patient a été opéré le 5 août 2003. Le système a été implanté sans difficultés par sternotomie médiane et sous circulation extracorporelle (CEC). Le sevrage de la CEC s’est effectué sous support inotrope (dobutamine) et vasodilatateur pulmonaire (monoxyde d’azote) afin de soutenir la fonction ventriculaire droite. Le patient a été sevré de la ventilation mécanique et des drogues au premier jour postopératoire. Aucune dysfonction d’organes périphériques (rein, foie) n’a été observée. L’anticoagulation a été débutée dés la 8e heure postopératoire par de faibles doses d’héparine (100 UI/kg) puis augmenté progressivement pour obtenir une activité anti-Xa entre 0,25 et 0,35. Un relais par antivitamine K (AVK) a été réalisé après le retrait des drains thoraciques. Un traitement antiaggrégant plaquettaire par 300 mg d’acide acétylsalicylique a été associé au traitement anticoagulant à la 72e heure postopératoire, puis modulé en fonction de l’étude de l’activité plaquettaire in vitro. Durant son séjour en réanimation, le patient a seulement présenté une épistaxis rapidement résolutive sous méchage antérieur. Le patient a pu débuter sa réadaptation dès la 72e heure postopératoire et a quitté la réanimation au 15e jour.

Le patient a regagné son domicile au 41e jour postopératoire. Le suivi médical est assuré à la fois par le cardiologue de ville et par notre service où le patient consulte de manière mensuelle. Afin de préserver la contractilité du cœur natif et de limiter le remodelage myocardique, un traitement au long cours par IEC et bêtabloquant a été maintenu. Le régime hémodynamique observé à distance de l’implantation est celui d’une pulsatilité atténuée comme l’illustre l’enregistrement doppler effectué au niveau de l’artère fémorale superficielle (fig. 2). Aucune infection au niveau du site opératoire, de l’orifice de sortie du câble ou du système d’assistance n’a été observée.

Après retour à son domicile, le patient a présenté en octobre 2003 deux épisodes d’hémorragies digestives hautes en rapport avec un ulcère duodénal de Dieulafoy et contemporain d’un surdosage en anti-vitamine K. Par conséquent, le traitement initial par AVK et aspirine a été remplacé par une anti-coagulation par héparine de bas poids moléculaire (HBPM, énoxaparine, pour une activité anti-Xa de 0,8 à 1,0 UI/ml) et une anti-agrégation par clopidogrel adapté aux tests d’agrégabilité plaquettaire in vitro. L’aspirine a été réintroduite deux mois plus tard, après cicatrisation de l’ulcère. Cette triple association anti-thrombotique (HBPM + aspirine + clopidogrel) a été maintenue par la suite et aucune complication hémorragique ou thrombo-embolique n’a été notée depuis avec un recul de 44 mois.

Durant la première année d’implantation, nous avons observé une modification très progressive d’un des paramètres de la pompe (bearing power) en rapport avec une lente altération de son champ magnétique. Il est à noter que cette altération ne s’est accompagnée d’aucun dysfonctionnement de la pompe, mais nous a fait porter l’indication de son remplacement. Ainsi, le patient a été réopéré le 10 novembre 2004. Grâce au système de connexion astucieux entre la pompe et les canules (anneaux à griffes), il nous a été possible de changer la pompe sans le recours d’une CEC, en conservant les canules d’admission et d’éjection originelles. Malgré la triple association anti-thrombotique, cette ré-opération a pu être réalisée sans syndrome hémorragique majeur. Depuis, aucun dysfonctionnement technique n’a été observé."

DISCUSSION

"L’implantation définitive d’une assistance ventriculaire gauche est désormais une option thérapeutique pour certains patients en insuffisance cardiaque réfractaire non candidats à la transplantation cardiaque [1]. Les différents systèmes d’assistance disponibles peuvent être classés en fonction du type de pompe utilisé et du régime hémodynamique qu’ils assurent [4]. Les systèmes utilisant des pompes volumétriques (HeartMate XVE, Novacor) reproduisent fidèlement le fonctionnement du cœur et permettent d’assurer un débit sanguin pulsé similaire à la circulation naturelle. Leur efficacité dans la prise en charge des patients insuffisants cardiaques en attente de transplantation, de récupération ou pour une implantation définitive est admise. Toutefois, ces systèmes présentent également de nombreux inconvénients inhérent à leurs caractéristiques physiques et leur mode de fonctionnement (volumineux, présence de valves, faible rendement énergétique, bruit), exposant les patients à une incidence élevée de complications. Les systèmes plus récents actionnés par des turbopompes (axiales ou centrifuges) ont de nombreux avantages théoriques (faible volume, absence de valves, meilleur rendement énergétique, fonctionnement silencieux) permettant d’espérer une meilleure biocompatibilité. En revanche, le caractère non pulsé du régime circulatoire assuré par ces pompes reste une inquiétude pour leur utilisation à long terme. Toutefois, notre observation et celles d’autres auteurs [5] montrent que les patients assistés par turbopompes maintiennent une pulsatilité atténuée. Celle-ci semble être liée principalement à l’activité résiduelle du cœur natif. En effet, le ventricule gauche déchargé de manière incomplète peut continuer à éjecter à travers l’orifice aortique. D’autre part, même en l’absence d’ouverture de la valve aortique, la systole du ventricule gauche augmente la pré-charge de la turbopompe et augmente ainsi son débit de manière cyclique. Notre expérience montre que l’organisme est capable de s’adapter à un tel régime hémodynamique au long cours. Toutefois, cette adaptation se fait au prix d’altérations morphologiques [6] et fonctionnelles [7] de l’arbre vasculaire et d’une perturbation persistante de l’axe rénine-angiotensine-aldostérone.8 Les conséquences éventuelles de cette adaptation restent à déterminer.

Le contact prolongé du sang du patient avec les surfaces artificielles du système d’assistance impose une stratégie anti-thrombotique aussi efficace et aussi peu iatrogène que possible [4]. En raison de la durée du traitement et de l’expérience acquise dans des situations similaires (prothèses valvulaires cardiaques), la plupart des équipes ont adopté l’association d’une anti-coagulation par anti-vitamine K et une anti-agrégation par aspirine. Nous avons précédemment rapporté une importante variabilité inter- mais aussi intra-individuelle de l’effet antiplaquettaire de l’aspirine [9]. C’est la raison pour laquelle nous adaptons la posologie de l’aspirine aux résultats de tests de fonctionnalité plaquettaire in vitro.

La survenue d’une hémorragie digestive chez notre patient a posé le double problème du maintient d’une activité anti-thrombotique efficace et de la contre-indication temporaire de l’aspirine comme antiagrégant plaquettaire pendant la phase de cicatrisation de l’ulcère de Dieulafoy. L’association d’une anticoagulation par HBPM et d’une antiagrégation par clopidogrel s’est révélée être une solution efficace tant sur le plan clinique que biologique. Une stratégie similaire nous a également permis de traiter efficacement deux patients sous assistance ayant présenté une hémorragie cérébrale [10]. Ces observations nous ont conduit à adopter l’association d’une anticoagulation par HBPM et d’une anti-agrégation par aspirine et clopidogrel adaptée aux tests de fonctionnalité plaquettaire comme stratégie anti-thrombotique de première intention chez tous les patients sous assistance circulatoire mécanique, indépendamment du système utilisé.

En conclusion, cette observation montre la faisabilité d’une assistance au long cours avec une pompe à débit continu et d’une stratégie anti-thrombotique innovante reposant sur l’association d’HBPM et d’antiagrégants plaquettaires dont la posologie est adapté aux tests de fonctionnalité plaquettaire in vitro."

Références

[1] Rose E, Gelijns AC, Moskowitz AJ, et al. Long-term use of a left ventricular assist device for end-stage heart failure. New Engl J Med 2001 ; 345 : 1435-43.

[2] Pavie A, Leprince P, Bonnet N, Leger P, Gandjbakhch I. Quoi de neuf en assistance circulatoire mécanique ? Des indications au matériel. Arch Mal Cœur 2006 ; 99 : 164-70.

[3] Hetzer R, Weng Y, Potapov EV, et al. First experiences with a novel magnetically suspended axial flow left ventricular assist device. Eur J Cardiothorac Surg 2004 ; 25 : 964-70.

[4] Kirsch M, Vermes E, Boval B, et al. L’activation sanguine au cours de l’assistance circulatoire prolongée. Patho Biol 2005 ; 53 : 97-104.

[5] Potapov EV, Loebe M, Nasseri BA, et al. Pulsatile flow in patients with a novel nonpulsatile implantable ventricular assist device. Circulation 2000 ; 102 : III-183-7.

[6] Westaby S, Bertoni GB, Clelland C, Nishinaka T, Frazier OH. Circulatory support with attenuated pulse pressure alters human aortic wall morphology. J Thorac Cardiovasc Surg 2007 ; 133 : 575-6.

[7] Amir O, Radovancevic B, Delgado III RM, et al. Peripheral vascular reactivity in patients with pulsatile vs axial flow left ventricular assist device support. J Heart Lung Transpl 2006 ; 25 : 391-4.

[8] Welp H, Etz C, Tjan T, Scheld HH, Schmid C. Effect of pulsatile and nonpulsatile left ventricular assist devices on plasma rennin activity. J Heart Lung Transpl 2005 ; 24 : S58.

[9] Houël R, Mazoyer E, Kirsch M, Boval B, Drouet L, Loisance D. Resistance to aspirin after external ventricular assist device implantation. J Thorac Cardiovasc Surg 2003 ; 126 : 1636-7.

[10] Vermes E, Kirsch M, Farrokhi T, Boval B, Melon E, Loisance D, Drouet L. Management of intracranial hemorrhage in patients with mechanical circulatory support : a role for low-molecular-weight heparins ? ASAIO J 2005: 51 : 485-6.
 
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
 
Source :
 
http://www.em-consulte.com/article/138008
 
Voir aussi :

"Assistance circulatoire : bilan et perspectives" Pr Daniel LOISANCE :

http://www.canal-u.tv/producteurs/biotv/(onglet)/collections/(id)/108956#onglet_collection

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