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La greffe à partir de donneur vivant fait débat

"Alors que la loi de bioéthique est en cours de révision, le débat est relancé sur la pratique de la greffe à partir de donneurs vivants. Rare en France, cette pratique n'est pas encouragée par les chirurgiens spécialistes de la transplantation. Sociologue dans les domaines de l'éducation et du travail, Christian Baudelot a fait don en 2006 de l'un de ses reins à son épouse Olga atteinte de polykystose rénale, lui évitant d'être mise sous dialyse, traitement lourd que la mère de celle-ci avait subi pendant dix-huit ans.
Le couple Baudelot fait 'partie des premiers couples à bénéficier d'un don d'organe entre conjoints'. Cette possibilité avait été ouverte par la loi bioéthique de 2004, mais elle est restée peu appliquée avec seulement 222 greffes réalisées de cette façon en 2008. Le 10 juin 2009, Christian Baudelot s'est rendu à l'Assemblée nationale pour témoigner devant les parlementaires de son bon état de santé à la suite du don de son rein : 'J'ai donné mon rein droit à ma femme il y a trois ans [...]. J'ai 70 ans, je me porte très bien, je nage tous les matins dans une piscine parisienne durant trente minutes. L'été, je fais entre 30 et 40 km par jour, à bicyclette. Je suis un retraité actif. [...] Les chek-up que je subis annuellement à l'hôpital me déclarent en pleine forme. Ce n'est pas une exception, c'est le cas de l'immense majorité des donneurs de reins. Généralement ils ne regrettent rien et recommenceraient'. Depuis le don de son rein, Christian Baudelot est devenu partisan de la greffe à partir de donneur vivant. Celle-ci pourrait constituer une 'solution à la pénurie actuelle' et 'permettrait de soulager une partie des 13 000 malades en attente d'organes'. Il regrette que le donneur d'organes doive passer de très nombreux examens médicaux et psychologiques. Il souhaiterait une évolution de l'actuelle réglementation qu'il considère trop stricte. 'C'est dans ce parcours du combattant du donneur d'organe qu'il y aurait un motif légitime d'inquiétude éthique' dit-il, puisqu'on ne cesse d'être considéré soit comme un coupable, soit comme un suspect. Quant aux risques de voir se développer un trafic d'organes comme le redoute le Conseil d'Etat, ils sont quand même assez minces'.

Bien que réalisée couramment au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, la greffe à partir d'un donneur vivant est peu répandue en France. Les transplantations rénales à partir de donneurs vivants sont rares 'car le corps médical résiste' : la peur est de 'perdre la vie du donneur' ou 'd'abîmer un organisme en bon état de marche'. Christian Baudelot explique que 'pour certains praticiens, altérer un corps vivant est bien plus grave que laisser mourir 220 personnes chaque année. C'est une question de culture et d'éthique médicale'. Le risque encouru par le donneur en cas d'une greffe de rein est pourtant très faible avec '1 décès pour 3000 prélèvements au plan mondial'. Dans un pays comme la Norvège, '40 pour cent des greffes rénales sont réalisées à partir d'un donneur vivant'. Mais les réticences françaises ne sont pas que médicales. Des raisons éthiques freinent l'acceptation des élus. En 2009, le Conseil d'Etat recommandait 'de ne pas faire évoluer le don entre personnes vivantes en raison des risques de dérive marchande et des pressions familiales'. Auditionné le 10 juin 2009 à l'Assemblée nationale, le Pr Jean-Michel Dubernard, spécialiste de la transplantation, a expliqué qu'il était toujours réticent aux dons à partir de donneurs vivants considérant qu''il est impossible d'éviter les pressions familiales', avant de préciser : 'quand il y a mort d'un donneur, comme cela m'est déjà arrivé, c'est 100 pour cent pour notre gueule'. Christian Baudelot ne comprend pas : 'Vue la batterie d'entretiens à laquelle j'ai été soumis, [...] comité d'experts, médecins, psychologues ou psychiatres, ne peuvent pas passer à côté d'un donneur réticent'.
Avec d'autres patients et leurs proches, et des spécialistes de la transplantation rénale, Christian et Olga Baudelot ont créé 'Demain la greffe', un groupe de réflexion visant à faire évoluer la loi afin qu'elle 'élargisse le cercle des donneurs d'organes aux relations étroites et stables, c'est-à-dire aux amis proches, aux intimes'. Les députés n'y ont pas été favorables mais ont privilégié la piste de l'autorisation du 'don croisé' permettant un échange d'organe(s) compatible(s) entre deux familles."

Libération (Cécile Daumas)
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