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"Comme une bouteille à la mer"

"C'était il y a quelques jours, une enveloppe dans le courrier du matin. A l'intérieur, un DVD et une carte à l'en-tête d'une maison de production de Grenoble, Advita Productions. 'Nous n'avons tapé qu'à la porte d'Arte, sans réponse positive quant à la possibilité de rentrer dans une de leurs cases.' Des appels au secours comme cela, on en reçoit des dizaines chaque année. Le plus souvent, faute de temps ou d'envie, on n'y prête pas suffisamment d'attention. Est-ce le titre - Six personnages en quête d'éthique -, cette expression - 'rentrer dans une case' -, toujours est-il que ce DVD-là fut regardé. Et que ce '52 minutes' comme on dit à la télévision est absolument remarquable.

Réalisé par Michèle et Bernard Dal Molin, il se propose, au travers de trois histoires, de nous faire comprendre les enjeux éthiques des greffes d'organes. Exposé ainsi, vous craignez le sujet rébarbatif. C'est très exactement le contraire, juste un beau moment de télévision, digne et généreux. Savoir recevoir. Savoir donner alors que l'on est vivant et en bonne santé. Savoir donner au nom de celui ou de celle qui vient de mourir mais qui est encore en état de mort encéphalique. Transmettre une partie de sa propre vie si l'on est un donneur vivant. Transmettre la vie si l'on est mort. Juste des témoignages et quelques précisions fournies par une philosophe, Alice Casagrande, et un sociologue, Christian Baudelot.

En 2008, ce dernier, avec sa femme Olga, avait écrit un livre émouvant, Une promenade de santé (Stock) ; le récit de 'leur' greffe (Christian avait donné un rein à Olga qui était atteinte d'une grave maladie). Ils concluaient ainsi leur ouvrage : 'Quoi qu'il arrive désormais, nous goûtons autrement et mieux le sel de la vie.' Certains protagonistes du film pourraient évidemment reprendre cette phrase à leur compte. Pas les parents et la soeur d'Aurélien, mort à 19 ans après un accident de moto. Avec une grande dignité, ils racontent comment ils ont dit 'oui' lorsqu'on leur a demandé la permission de prélever huit organes de leur fils. Un matin, tandis qu'il prenait son petit-déjeuner devant la télé et qu'il y avait une émission consacrée au don d'organes, Aurélien avait dit à sa mère : 'Tu sais m'man, le jour où je crève, tu peux tout donner parce que j'aurais plus besoin de rien.'

Rien n'est laissé de côté, à commencer par les problèmes de responsabilité des médecins qui acceptent, chez un donneur vivant, et en dépit des risques, de lui prélever un organe. Ce beau film s'achève par une citation de Gilles Deleuze : 'Ou bien la morale n'a aucun sens, ou bien c'est cela qu'elle veut dire, elle n'a rien d'autre à dire : ne pas être indigne de ce qui nous arrive.' Avis aux responsables de chaînes et aux gestionnaires de 'cases'..."

Franck Nouchi
LE MONDE
Article paru dans l'édition du 02.10.09

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