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"La vie après une transplantation est très médicalisée"

"Depuis 2000, vous avez rencontré de nombreux greffés pour étudier le rôle joué par le psychisme dans l'acceptation de l'organe qu'ils reçoivent. Quelle est votre conclusion la plus marquante ?

La question essentielle était pour moi de comprendre comment un être humain accueille un organe étranger, comment il retrouve ensuite un équilibre. Ce qui m'a frappé, c'est l'espoir, très fort chez de nombreux patients, de recouvrer après l'opération une qualité de vie similaire à celle qu'ils avaient avant leur maladie. Comme si la greffe pouvait magiquement tout effacer... Or la vie après une transplantation est au contraire très médicalisée, et la plupart des patients sont très mal préparés à affronter cette épreuve.

La dimension psychologique de cette intervention ne serait pas assez prise en compte ?

Elle ne l'est véritablement ni avant ni après l'opération. Avant, le problème fondamental est celui de l'indication de greffe. En France, celle-ci est essentiellement décidée sur des critères biologiques, sans que soit toujours suffisamment étudié l'état psychopathologique des patients. A cet égard, les Etats-Unis sont plus avancés que nous : dans certains services, psychiatres et psychologues cliniciens sont systématiquement associés à la décision de greffe d'organe.

Après l'opération, le problème est celui du suivi à long terme des greffés. Dans la majorité des cas, ceux-ci sont devenus des 'patients à vie', que la greffe a fragilisés. Mais le personnel des services de transplantation, même avec la meilleure volonté du monde, n'a pas les moyens de prendre cette détresse en charge. Il faudrait que des psychologues soient recrutés par les services de transplantation d'organes.

La psychosomatique, c'est la discipline qui étudie les relations entre le corps et le psychisme... Comment, concrètement, ces relations influent-elles sur la qualité de vie des greffés ?

Une greffe entraîne toujours un état dépressif, à la fois au plan somatique — du fait de la modification interne subie par l'organisme — et au plan psychique — à cause du sentiment de perte qu'elle suscite. Or un tel état déprime à son tour le système immunitaire. Plus on favorise l'acceptation psychique de la greffe, plus on renforce donc le système immunitaire du patient. Et plus on augmente aussi ses chances d'accepter l'observance de son traitement immunosuppresseur.

Ce traitement est-il prescrit à vie, quelle que soit la greffe ?

Oui, sauf dans les cas — très rares — où se produit un lien biologique particulier entre le receveur et le donneur. Ce phénomène, connu sous le nom de microchimérisme, a été découvert en 1992 par des chercheurs américains. En étudiant un groupe test de patients qui avaient été greffés d'un rein et d'un foie au début des années 1960, ils s'aperçurent que les globules blancs des donneurs, transférés avec l'organe greffé, avaient migré dans le sang du receveur et y survivaient encore trois décennies plus tard.

Pour la première fois, on avait ainsi la preuve que les systèmes immunitaires de l'organe greffé et du receveur pouvaient fusionner sans s'agresser mutuellement, se concilier pour créer une chimère. Depuis, les Américains ont observé que ce phénomène permettait même, dans certains cas, de libérer définitivement les patients de leur traitement immunosuppresseur. Le psychisme intervient-il dans ce processus ? On ne le sait pas."

Source :
Propos recueillis par Catherine Vincent
Le Monde

"Vivre avec une greffe. Accueillir l'autre", de Jean Benjamin Stora, psychosomaticien et psychanalyste, éd. Odile Jacob, 2005.

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