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Suisse : «Un cœur, c'est très joli... quand il bat»

Conrad Müller: «Si un cœur ne peut plus battre dans un corps, il peut battre pour une autre personne.»

"GREFFE. Il y a vingt ans la Suisse était en avance sur les autres pays en créant Swisstransplant, aujourd'hui le don d'organes peine. Pourquoi? Analyse du directeur de la fondation, Conrad Müller.

Avec une baisse des dons d'organes de 4,2% pour 2004, la Suisse confirme sa place en queue de peloton des pays européens. Pourquoi ne compte-t-on que 12,6 donneurs par million d'habitants chez nous alors qu'en Espagne ce chiffre monte à 36? Et que, depuis peu, l'Italie du Nord semble suivre la même évolution; en dix ans le nombre de donneurs est passé de 5 à 20 pour un million. Réponse de Conrad Müller, spécialiste en chirurgie pédiatrique et directeur de Swisstransplant depuis un an.

Le Temps: Est-ce que le nombre élevé de donneurs d'organes en Italie et en Espagne est lié aux accidents de la route?

Conrad Müller: Non, et d'ailleurs on peut constater que l'augmentation des donneurs en Espagne, 14 pour un million en 1989 pour arriver à 36 en 2004, correspond à une période où les morts sur les routes ont diminué. 46% des donneurs, soit la majorité, sont des victimes d'hémorragie cérébrale. L'évolution favorable des dons tient à une personne, Rafaël Matesanz, actuel directeur de l'Organisation nationale de transplantations (ONT). Il a mis sur pied une procédure extrêmement efficace. L'Italie du Nord s'est servie de ce modèle et elle a doublé le nombre des dons l'année de sa mise en œuvre.

- Le modèle espagnol est cité comme le plus performant au monde. Quelles en sont les grandes lignes?

- La première chose que dit Rafaël Matesanz c'est qu'il ne manque pas de donneurs potentiels mais qu'il importe de les détecter. En Espagne, certains médecins des soins intensifs sont chargés de ce travail. Ce sont les coordinateurs. Ils dépendent de la direction afin d'échapper aux pressions éventuelles du service. Il faut ensuite contacter les familles et c'est très important que le personnel soit bien formé. Car il faut laisser les gens absorber le terrible choc de la mort d'un proche, puis leur poser la question du don sans exercer de pression. Si la réponse est négative cela n'a pas d'importance, au moins on sera sûr de ne pas être passé à côté d'une possibilité de don. Il y a d'ailleurs des audits en Espagne pour voir si les hôpitaux n'ont pas ignoré des donneurs potentiels.

- Cette procédure a un coût.

- Oui c'est lourd, en particulier pour les petits hôpitaux. C'est pourquoi la recherche de donneurs potentiels doit être payée. C'est le cas en France et en Espagne mais pas en Suisse. Or le soutien du don d'organes et de la transplantation par l'Etat et la création d'une organisation nationale de transplantation sont d'une importance cruciale.

Il ne faut pas oublier, dans les calculs des coûts de la santé, qu'à terme un transplanté coûte moins cher qu'un malade chronique. C'est donc une thérapie à envisager aussi dans le tiers-monde.

- L'ONT a également mis sur pied des jeux de rôle dans lesquels le personnel soignant apprend à aborder les familles.

- Oui, il en existe aussi en Suisse. 90% de nos coordinateurs ont également suivi des cours en Espagne.

- Quelles sont les autres mesures qui favorisent le don d'organes?

- Plus de souplesse quant à l'âge des donneurs. Il peut être relativement élevé, ce qui compte c'est l'état de l'organe. En Espagne, 30% des donneurs ont plus de 60 ans alors que chez nous ce chiffre tombe à 11%. La comparaison n'est pas parfaite car nos statistiques tiennent compte des plus de 65 ans, mais elles montrent bien la tendance. Les Espagnols ont montré que l'on pouvait donner ses organes au-delà de 80 ans. Cette année, nous avons eu en Suisse un donneur de rein de 84 ans. Un néphrologue m'a dit qu'un rein pouvait vivre 120 ans! Quoi qu'il en soit, certains organes comme le foie se régénèrent.

- Une personne peut aussi refuser de donner ses organes par peur d'être débitée en morceaux après sa mort.

- On peut aussi voir les choses sous un angle différent: un donneur peut sauver jusqu'à neuf personnes. Je serais tout à fait prêt à être coupé en morceaux après ma mort pour cela, même si je comprends ceux qui ne le souhaitent pas. Un donneur peut aussi choisir de refuser que l'on prélève certains organes.

- Cela soulève la question de l'image du don d'organes dans la population.

- Il est plus facile de faire don de ses organes, ou de prendre cette décision pour un proche, lorsque l'on a une image positive de personnes en ayant bénéficié. J'ai vu tellement de gens, enfants ou adultes, reprendre une vie normale après une greffe que le don ne me pose pas de problème. On retrouve ce phénomène dans la population espagnole. Comme le don d'organes est bien accepté, pratiquement toutes les familles connaissent une personne bénéficiaire d'une greffe. Et cela facilite beaucoup le don. Comme chirurgien j'ai tenu des organes dans mes mains. Un cœur, c'est très joli... quand il bat.

S'il ne peut plus le faire dans son propre corps, il peut continuer à battre pour une autre personne".

Source :
LeTemps.ch
Article par Marie-Christine Petit-Pierre
© Le Temps, 2005.

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